Les marais salants de Guérande, un site exemplaire
Patrimoine
Sauvé de haute lutte des dents des pelleteuses et des mains des promoteurs dans les années 70, l’espace des marais salants de Guérande aurait pu devenir le plus grand port européen de plaisance, une marina destinée au tourisme industriel. A l’époque, 50 % des marais étaient à l’abandon, on comptait alors 180 à 200 paludiers en activité. Aujourd’hui, une grande partie a été remise en état et est exploitée par près de 300 paludiers. « Les marais salants ne sont pas un territoire naturel, c’est un territoire qui a été gagné par l’homme sur la mer, comme un polder, c’est un patrimoine qui a plus de 1500 ans d’histoire. Le paludier est le passeur de ce génie que l’humanité a mis au point et qu’il a envie de protéger. » Alain Courtel, paludier de Guérande.
Un parfait exemple d’écosystème en équilibre
Aménagés par l’homme, les marais salants de Guérande sont utiles au bon équilibre de la biodiversité planctonique de l’océan. C’est un milieu très riche : on peut même y voir ici et là des cyanobactéries, les premiers êtres vivants apparus sur Terre il y a 3,5 milliards d’années ! Dans la vasière, on trouve toute la diversité du plancton végétal, animal et même des petits poissons. Au fur et à mesure que l’eau s’écoule dans les bassins jusqu’au cristallisoir où le paludier tire son sel, la salinité augmente et la diversité planctonique diminue. A 270 grammes de sel par litre d’eau (la mer en contient 34 grammes), on pense que la vie n’est plus possible, mais si ! Y vivent, par exemple, ces petites algues microscopiques que l’on appelle Dunaliella salina et qui donnent cette couleur orangée aux marais. Porteuses d’oligoéléments, elles sont présentes dans la fleur de sel qu’elles rendent légèrement rosée.
Lieu de l’interdépendance entre terre et mer.
Situés entre l’estuaire de la Vilaine et celui de la Loire, les marais salants de Guérande bénéficient du mélange de l’eau douce et de l’eau salée, mélange propice à la prolifération d’espèces très diversifiées de plancton. Cette richesse planctonique se diffuse dans l’océan et ce n’est pas un hasard si des professionnels de la mer se sont installés à proximité pour y élever moules, palourdes, huîtres, etc. Les conchyliculteurs et autres ostréiculteurs du Traict du Croisic profitent de cette manne de plancton et, à leur tour, libèrent dans la mer des larves qui alimentent crustacés et poissons, capturés ensuite par les pêcheurs de La Turballe. Dans la région de la presqu’île guérandaise, l’interdépendance entre le cycle du plancton et les métiers de la mer n’est plus à démontrer. « Au fil des courants marins se promène une richesse cachée que cultivent les Gens de mer. »
Pierre Mollo